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Henri Weber

Henri Weber

homme politique français
Henri Weber, né en [Note 1] à Leninabad (TadjikistanURSS) et mort le  à Avignon, est un homme politique français, membre du Parti socialiste (PS), sénateur de la Seine-Maritime puis député européen.
Henri Weber
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Henri Weber en 2008.
Les parents d'Henri Weber, horlogers juifs, vivaient en 1938 à Chrzanów en Pologne, à quelques kilomètres d'Auschwitz[3]. Au moment du pacte germano-soviétique d’août 1939, ils partent pour l’URSS. Refusant de devenir citoyens soviétiques, ils sont envoyés dans un camp de travail en Sibérie avant d’être transférés dans un autre à Leninabad (aujourd’hui Khodjent au Tadjikistan) où Henri Weber naît en 1944 sur un navire-hôpital amarré sur les rives du fleuve Syr-Daria[2]. Son père, formation horlogère, doit s'y improviser un emploi de bûcheron et sa mère y est couturière.
Après 1945, ses parents retournent se réinstaller en Pologne, mais fuient le pays au bout de quatre ans, du fait de l’antisémitisme ambiant. Ils émigrent en France, vivant dans un deux-pièces-cuisine, rue de la Mare, dans le 20e arrondissement de Paris.
Enfant puis adolescent, Henri Weber est membre du Hachomer Hatzaïr, organisation scoutiste de gauche, sioniste mais laïque[2], où il rencontre sa compagne Pascale[4] et acquiert une formation à l'entrainement de groupe[4], qui attirera l'attention de son futur ami Alain Krivine pour lui confier la responsabilité du service d'ordre de la Ligue communiste en 1969.
Étudiant, il adhère à l'Union des étudiants communistes (UEC) à la Sorbonne où il se lie d'amitié[5] avec son aîné Alain Krivine, responsable des préparationnaires de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), qui adhéré fin 1961 à l'Organisation communiste internationaliste, cherche à recruter des militants[6] et le fait élire en 1963 secrétaire du secteur Sorbonne-Lettres[7]. Avec Philippe Robrieux[8], secrétaire générale de l'UEC, qui l'identifie dans la mouvance trotskiste OCI de Piere Franck[8] et son jumeau Hubert Krivine, Henri Weber et sa compagne Pascale sont fréquement ses invités personnels[8].
Lorsque le Parti communiste français (PCF), affaibli par les succès gaullistes de 1958 et 1962, annonce son soutien dès le 1er tour de l'Élection présidentielle française de 1965 à la candidature de François Mitterrand, malgré son passé de ministre pendant la Guerre d'Algérie[9], les militants UEC de la Sorbonne entrent en dissidence[9]. Trois cent quittent l'UEC à l'occasion d'un séminaire de Noël à Briançon[10] avec l'économiste trotskiste Ernest Mandel et fondent dans la foulée la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR)[10]. En janvier 1966, Claude Chisserey et Alain Krivine se lèvent pour chanter L'Internationale la direction communiste de l'UEC élu au congrès d'avril ayant proposé de les exclure, à la demande de Paul LaurentRoland Leroy et Jean-Michel Cathala[11]
En 1966-1967, Henri Weber et son ami Alain Krivine sont des piliers du cercle « socio-philo », qui se réunit dans la cave de l'appartement de l'écrivain et résistant gaulliste David Rousset, avec son fils Pierre Rousset[12].

Mai 68Modifier

En 1968, il participe au mouvement de Mai 68, alors qu'il est toujours étudiant à la Sorbonne[10]. Le 3 mai, il accueille les étudiants de Nanterre[9] [4], où la JCR est mieux implantée, qui vient d'être fermée. Le meeting dans la Cour de la Sorbonne est sans grande affluence mais évacué de force par le gouvernement, les négociations infructueuses avec la police étant menées par d'autres soixante-huitardsClaude Chisserey et Charles Berg[13]. L'évacuation déclenche les premiers jets de pavés contre les CRS, filmés par l'ORTF, pour une émission de reportage qui sera censurée le soir du 11 mai, provoquant la Nuit des Barricades de Mai 68.
Le 9 mai, la JCR, organisation encore modeste, se fait connaitre en invitant à son meeting Daniel Cohn-Bendit, qui a été interviewé par l'ORTF la veille. Symbole de l'extenstion du mouvement à toutes les universités, Henri Weber est à la tribune avec lui et Daniel Bensaïd, autre militant du Mouvement du 22 mars, un toulousain d'origine modeste, élève à l'école normale supérieure et hébergé à la Résidence universitaire de Nanterre. Henri Weber se lie d'amitié avec lui et gardera de Mai 68 le souvenir d'un grand mouvement romantique et messianique[14] aspirant à d'avantage de démocratieen particulier chez les journalistes de l'ORTF[14], qui rappelle les grèves de juin 1936[14] et la grève générale belge de 1960-1961[14], à laquelle la JCR avait prêté une grande attention[14]. Selon lui : On a fait dire beaucoup de sottises dans la presse à certains graffitis de l'époque, car il y avaient en fait beaucoup d'interdits lors de Mai 68, le vol et le viol, dans les établissements occupés, tout comme le vandalisme dont aucune trace n'a jamais été retrouvée lors des nombreuses manifestations, même dans les beaux quartiers, compte tenu de service d'ordres nombreux et organisés[15].

Parcours universitaireModifier

En Michel Foucault, directeur du département de philosophie au centre universitaire expérimental de Vincennes (Paris VIII) intègre Henri Weber à son équipe. Il y côtoie, entre autres, Gilles DeleuzeJean-François LyotardAlain BadiouFrançois ChâteletÉtienne BalibarRobert Linhart[10]
De 1969 à 1988, Weber enseigne la philosophie politique, comme assistant, puis maître-assistant, et maître de conférences, après l’obtention de sa thèse[Quoi ?], soutenue en Sorbonne en 1973, sous la direction de Maurice de Gandillac, professeur de philosophie à l’université de Paris I. Reçu avec mention « très honorable », il voit sa thèse publiée en  aux éditions Bourgois, dans la collection 10-18, sous le titre Marxisme et conscience de classe[10].
Le centre universitaire de Vincennes offre de nombreux cours dans le domaine des sciences sociales, parfois donnés par des enseignants qui sont à la fois théoriciens et praticiens, en tant que dirigeants de partis politiques. Ainsi en 1971-1972, Henri Weber enseigne « Introduction aux marxistes du xxe siècle » et « La structure de l'extrême gauche en France », et Daniel Bensaïd discourt sur « De la nature des États ouvriers »[16] alors qu'ils sont tous deux dirigeants de la Ligue communiste fondée en .
Un après-midi, André Glucksmann et Jean-Paul Dollé mènent l'assaut à la tête d'une cinquantaine de militants qui font irruption dans le cours d'Henri Weber, maître-assistant en philosophie, intitulé « À quoi pense Mao ? » consacré aux écrits philosophiques et politiques de Mao Tsé-tung[17]. Un groupe mené par Alain Badiou perturbe aussi de nombreux cours[17].
Plus qu'à Censier, La Sorbonne ou à Nanterre, je fus confronté à Vincennes au gauchisme le plus débridé, se souvient-il[17]. La folie ultra-gauchiste eut selon lui pour conséquence la perte de l'habilitation du département de philosophie à délivrer des diplômes reconnus par l'Éducation nationale[17].
En , il quitte l’université pour l’hôtel de Lassay, au cabinet de Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale[2]. Mais il retourne à Paris VIII-Saint-Denis, de 1993 à 1995, après la défaite de la gauche aux élections législatives. Il met à profit cette « traversée du désert » en passant son doctorat en sciences politiques, sous la présidence d’Hugues Portelli, professeur à Paris II[18]. Cette thèse de doctorat, « Acteurs et stratégies du changement social », obtient la mention « très honorable ».

Années gauchistesModifier

Directeur du journal RougeModifier

Henri Weber a été directeur et rédacteur en chef de Rouge dont le premier numéro est publié le , peu après les évènements de Mai 68 et qui est d'abord un quinzomadaire, alors qu'il n'existe plus de parti "JCR" depuis sa dissolution en juin et qu'il tente de se recréer autour des "Cercles Rouge", du nom de ce journal.
Daniel Bensaïd et lui, tous deux membres du bureau national de la Jeunesse communiste révolutionnaire, reversent à ce journal les droits d'auteur de leur premier livre Mai 68 : une répétition générale ?, l'un des ouvrages écrits l'année même du mouvement par des militants. Le livre, présenté comme celui de Daniel Bensaïd, est publié dans la collection "Cahiers libre", aux Editions Maspero. Il fait l'objet de quelques lignes, dans une fiche de lecture collective, avec ceux de Cohn-Bendit, Max Gallo, et Etienne Borne, dans Le Monde du 26 novembre 1968[19]. Modestes, les droits d'auteur ont contribué à une partie du financement[20] du journal, qui deviendra six mois plus tard hebdomadaire, juste avant la candidature d'Alain Krivine à la présidentielle des 1er et 15 juin 1969 . Le 25 septembre 1971, Henri Weber est nommé directeur de la publication[20]. Le journal deviendra quotidien lors de l'Élection présidentielle française de 1974.
En  il fonde la revue théorique Critique communiste qu'il dirige jusqu'en 1980[10]. Avec Krivine et Bensaïd, il est alors à la tête de la Tendance T2 de la Ligue, rivale de la T1 de Gérard FilocheDenis Pingaud et Daniel Gluckstein, et de la T3 de Michel Lequenne et de Jean-René Chauvin[21].

Chef du service d'ordre de la Ligue communisteModifier

Dès mars 1966, une photo dans Paris Match le montre en imperméable blanc au sein d'un groupe accueillant dans la Cour de la Sorbonne, pour une rixe étudiante, un commando du Mouvement d'extrême-droite Occident venu de la faculté de droit voisine d'Assas, ce qui fera plus pour ma gloire que mes harangues, racontera-t-il dans ses mémoires.
Il créé le service d'ordre de la Ligue communiste dès la fondation du parti en 1969[10], puis le dirige et écrit les paroles de son hymne-chanson : « Dans la nuit noire brillent les mousquetons, les CRS nous barrent le chemin, mais dans nos rangs y a pas d’hésitation, les CRS ça s’enfonce très bien »[1]. Ce service d'ordre faisait « des stages, des sorties en forêt le samedi et le dimanche, avec entraînement aux actions collectives, coordonnées, avec maniement du bâton, du cocktail Molotov »[22].
Il dirige ce service d'ordre lors des violents affrontements du 9 mars 1971 contre la police lors d'une manifestation contre un meeting anti-immigré du mouvement d'extrême droite Ordre nouveau au palais des Sports de Paris[23], organisée par le mouvement maoiste Gauche prolétarienne, à laquelle se joint la LC. Ce service d'ordre encadre aussi la grande manifestation pour le centième anniversaire de la Commune de Paris, les  et . Henri Weber est ensuite remplacé à partir de 1972 à la direction du service d'ordre de la Ligue communiste par Pierre Rousset[24] et Daniel Bensaïd, notamment lors de la charge contre la police du 20 janvier 1973, mais il est présent lors d'une autre manifestation de juin 1973 contre un autre meeting du mouvement d'extrême droite Ordre nouveau, également coorganisée avec la Gauche prolétarienne. Les brûlures subies par de nombreux policiers entrainent la dissolution de la Ligue communiste et la critique de sa direction par les militants du parti dans les entreprises.
Par ailleurs il créé en 1970 une « Commission très spéciale » (CTS) de la Ligue communiste, chargée des « opérations exemplaires » ou spectaculaires, pour lequel il recrute d'ex-lycéens, comme Michel Recanati puis Romain Goupil, qui était encore en classe de seconde en Mai 68. Dans le film de de dernier, Mourir à trente ans, Henri Weber reconnait que ces militants étaient parfois très jeunes.

Travaux de rechercheModifier

Entre 1981 et 1984, il cesse toute activité politique pour se consacrer à sa famille et ses travaux de recherche, qui portent notamment sur les débats théoriques au sein de la social-démocratie au début du xxe siècle et l'euro-communisme. En 1982, il intègre le Centre de recherches sur les mutations des sociétés industrielles (CRMSI), dirigé par Jean-Louis Moynot, ex-secrétaire confédéral de la CGT. Il y anime un « Observatoire du patronat français » et publie en , aux éditions du SeuilLe Parti des Patrons : CNPF 1946-1986. C'est à l'occasion de ses recherches qu'il rencontre Laurent Fabius alors ministre de l'Industrie, puis Premier ministre, qui l'intègre à son premier cercle.
Avec Olivier DuhamelÉvelyne PisierFrançois ChâteletJean-Luc Parodi et Xavier Brownes[Qui ?], il anime la collection « Recherches politiques » aux Presses universitaires de France (PUF), qui publie les thèses et les premiers livres de jeunes intellectuels, parmi lesquels Luc FerryLaurent Cohen-TanugiPhilippe Raynaud

Parti socialisteModifier

Henri Weber entre au Parti socialiste (PS) en 1986[25],[10], la même année que Jean-Christophe Cambadélis, qui dirige une autre branche du trotskysme, le Parti communiste internationaliste, dit lambertiste, qui a amené avec lui au PS en , près de 450 autres militants, pour l'essentiel du syndicat étudiant UNEF[26].
Lors des élections législatives françaises de 1988, qui suivent une présidentielle où le PCF est tombé à seulement 4,8 % des voix, il est investi « grâce à des étudiants recrutés en une nuit et aussi vite disparus », selon son rival local du PS Georges Sali, qui dénonce un « parachutage »[27]. Il est battu par Marcelin Berthelot, député-maire communiste de la douzième circonscription de Seine-Saint-Denis, avec 22,97 % des voix.
Conseiller technique au cabinet de Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, de 1988 à 1991, il est ensuite chargé de mission au cabinet de Martin Malvy jusqu'en 1992, puis de Louis Mermaz jusqu'en 1993, ministres chargés des relations avec le Parlement[10].
Il est élu aux élections municipales de 1989 et devient maire-adjoint de Saint-Denis, président du groupe des élus socialistes jusqu'en 1995. En 1993 il est à nouveau battu aux élections législatives avec 10,77 %. (Il avait été une première fois candidat aux élections législatives, le , à Nanterre, pour la Ligue communiste.)
Appelé en Normandie par Laurent Fabius, Henri Weber est élu en 1995 conseiller municipal de Dieppe, puis sénateur de la Seine-Maritime la même année[2].

Parlement européenModifier

Tête de liste de l'euro-circonscription du Grand-Nord-Ouest aux élections européennes de , il est élu député européen avec 29,98 % des voix[28]. Il est réélu en 2009 à la tête de la liste Auvergne, Centre, Limousin.
Au Parlement européen, il est de 2004 à 2009, membre titulaire de la commission de la culture et de l'éducation et membre suppléant de la commission des affaires économiques et monétaires. Il est élu vice-président de la commission interparlementaire Union Européenne/Chine en [10].
Dans son second mandat, de  à , il est membre titulaire de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie et membre suppléant de la commission des affaires juridiques, puis de la commission du commerce international. À ce titre, il fait voter l'amendement qui exclut la culture et l'audiovisuel du champ de la négociation commerciale avec les États-Unis, ce qui lui vaut en 2016 la médaille Beaumarchais[29] décernée par la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques).
Il est confirmé vice-président de la délégation interparlementaire UE/Chine pour la législature 2009-2014[10].

À la direction du Parti socialisteModifier

Dans les instances du Parti socialiste, il a été membre du bureau national et secrétaire national de 1993 à 2008, chargé successivement de l’Éducation nationale (1993 à 1995), de la Formation (1995 à 2003), de la Culture et des Médias (1998 à 2003) et à nouveau de la Formation (2005 à 2008)[10]. À ce titre, il relance la Revue socialiste, qu'il dirige jusqu'en 2005, et, en 1995, il préside à l'essor de l'université d'été du PS de La Rochelle et crée l'« université permanente des cadres fédéraux ». De 2008 à 2012, il est secrétaire national adjoint chargé de la mondialisation[25]. Dans cette fonction, il élabore la stratégie du « juste échange » que le PS adopte à son congrès du Mans (2005) et le PSE (Parti des socialiste européens) à son conseil de Varsovie les 2 et [30].
De 2014 à 2017, il est directeur des études, chargé des questions européennes, auprès de Jean-Christophe Cambadélis, alors premier secrétaire du PS. À ce poste, il crée le GARE (Groupe d'action et de riposte européen) et publie soixante-quatorze questions et réponses pour réorienter l'Europe[31].

Famille et vie privéeModifier

En , Henri Weber épouse Fabienne Servan-Schreiber, productrice de télévision et fondatrice de la société Cinétévé, avec laquelle il vivait depuis 1973. Ils ont eu ensemble six enfants[10].

MortModifier

Henri Weber meurt le 26 avril 2020 à Avignon des suites de la covid-19[2].

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